CPE et domination idéologique

Les forums qui se développent autour de la mobilisation sur le CPE sont extrêmement révélateur de ce qu'est une idéologie dominante. Je passe sur les spécialistes du troll payés par l'UMP, mais parmi les défenseurs du CPE, du "c'est mieux que rien" ou du "et qu'est-ce que vous proposez vous, rien du tout", il y a de la sincérité. Qu'est-ce qui fait que aujourd'hui dans notre pays, qui n'a jamais été aussi riche, où le CAC 40 bat des records, où une seule entreprise (Total-Fina-Elf) fait 12 milliards de bénéfices, certains sont prêts à accepter d'être soumis à l'emploi-kleenex? Qu'est-ce qui fait que certains mobilisent sur le registre de l'évidence, invoquant la naiveté des manifestants, le fait que la précarité soit la seule voie possible? La domination capitaliste, puisque c'est bien de celà dont il s'agit, s'appuie sur une force fantastique: elle façonne les esprits, donne à penser le monde de telle sorte que tout ce qui remet en cause sa domination parraisse incongru, irréaliste, naïf...etc. La domination idéologique du capitalisme repose aussi sur des mots. Les mots qu'elle impose, et derrière ces mots, les manières de penser les choses. Prenons deux exemples courant, mais bien d'autres peuvent être relevés.

- charges sociales: la protection sociale, c'est à dire l'accès à la sécurité de l'existence de ceux qui dans le système capitaliste n'ont que leur travail pour vivre, cette sécurité étant réservée dans un capitalisme libéral pur au seul détenteur de la propriété du capital, cette protection serait une charge pour la société. Pourquoi, le droit de propriété n'est pas une charge pour la société? Quelle est la loi naturelle qui dit que la protection du travailleur est une charge quand celle du propriétaire est un bienfait? Réponse: aucune. Pour autant l'idée de "charge" sociale est entrée dans la manière de penser de nos contemporains: résultat, les propritéaires qui se gavent aux CAC 40, c'est le juste retour des winners, des innovants, des investisseurs (même si un vieux fonds chréteiens nous amènent parfois à condamner les excès), alors que la protection de ceux sur qui cette richesse est prélevée, les travailleurs, représente une chrage dont il ne faut pas dépasser un certain seuil.

- le coût du travail:  tout le monde parle du cout du travail. Pourtant qu'est-ce qui produit la richesse? Qu'est-ce qui ajoute de la plus value? Réponse: le travail (même Adam Smith le dit dans La richesse des nations). Donc, en toute logique, le travail ne coute pas, il ne fait que produire. Le cout du travail pour l'employeur n'est que la part qu'il ne vole pas aux travailleurs. On devrait donc parler de cout du capital. Mais la domination idéologique qui vise à affirmer la légitimation des formes économiques et sociales en place renverse le raisdonnement pour mieux faire accepter au travailleur son exploitation: "en tant que travailleurs je coute à l'entreprise". D'un point de vue économique et logique c'est intenable, mais pourtant , tout le monde parle de coût du travail.

Derrière ces mots, c'est le martellement d'une idéologie qui impose aux jeunes l'idée selon laquelle ils couteraient trop chers, ne seraient pas assez flexibles, et que le CPE serait la solution obligée.

Pour en revenir aux forums, il faut reconnaitre que lutter contre les arguments de la pensée dominante est extrêmement difficile. Car c'est lutter conte "l'évidence". La bataille contre le libéralisme est une bataille sur les schémas de pensée, c'est difficile, les forums sur le CPE le montrent bien.